Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski) (L.C. 2017, ch. 21)
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Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski)
L.C. 2017, ch. 21
Sanctionnée 2017-10-18
Loi prévoyant la prise de mesures restrictives contre les étrangers responsables de violations graves de droits de la personne reconnus à l’échelle internationale et apportant des modifications connexes à la Loi sur les mesures économiques spéciales et à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés
Préambule
Attendu :
que les droits de la personne et la primauté du droit font partie intégrante du droit international et que le Canada a affirmé à plusieurs reprises son engagement à promouvoir la justice internationale et le respect des droits de la personne;
que les États signataires d’accords internationaux sur les droits de la personne se sont engagés à s’acquitter des obligations et responsabilités qui y sont prévues;
que Sergueï Magnitski, un avocat moscovite qui a mis au jour la plus importante fraude fiscale de l’histoire de la Russie, a été détenu sans procès et torturé et en est mort le 16 novembre 2009 dans une prison de Moscou;
qu’aucune enquête rigoureuse, indépendante et objective n’a été menée par les autorités russes sur la détention, la torture et la mort de Sergueï Magnitski, et que les individus responsables n’ont pas été traduits en justice;
que le procès posthume sans précédent de Sergueï Magnitski ainsi que sa condamnation en Russie pour la fraude qu’il a lui-même mise au jour constituent une violation des principes de justice fondamentale et de la primauté du droit;
que les assemblées législatives des États-Unis, du Parlement européen, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de l’Italie, de la Pologne et du Canada ont adopté des mesures législatives et des motions condamnant le mauvais traitement que Sergueï Magnitski a subi, le qualifiant de « violation des principes de justice fondamentale et de l’État de droit », et demandant l’imposition de sanctions contre tout ressortissant étranger responsable de violations, dans un pays étranger, de droits de la personne reconnus à l’échelle internationale, lorsque les autorités de ce pays ne peuvent ou ne veulent pas enquêter sur ces violations de façon rigoureuse, indépendante et objective;
qu’il a été conclu dans le rapport d’enquête sur l’affaire Litvinenko, qui a été présenté au Parlement du Royaume-Uni le 21 janvier 2016, que deux agents russes, Andreï Lougovoï et Dmitry Kovtoun, sont responsables de l’assassinat d’Alexandre Litvinenko et qu’il était « fort probable » que ces derniers aient agi pour le compte du Service fédéral de sécurité de Russie;
que l’homme politique russe d’opposition Boris Nemtsov a été assassiné à l’extérieur du Kremlin le 27 février 2015 et que, à ce jour, les autorités russes n’ont toujours pas mené d’enquête rigoureuse, indépendante et objective;
que le Sénat, le 5 mai 2015, et la Chambre des communes, le 25 mars 2015, ont adopté à l’unanimité des résolutions demandant au gouvernement du Canada d’étudier la pertinence d’imposer des sanctions, et d’encourager l’imposition de sanctions contre tout ressortissant étranger responsable de la détention, de la torture, ou de la mort de Sergueï Magnitski, ou qui a été impliqué dans la dissimulation des crimes qu’il a mis au jour et d’étudier la pertinence d’imposer des sanctions appropriées contre tout ressortissant étranger responsable de violations, à l’étranger, des droits de la personne reconnus à l’échelle internationale, lorsque les autorités de ce pays ne peuvent ou ne veulent pas enquêter sur ces violations de façon rigoureuse, indépendante et objective;
que la lieutenante Nadia Savtchenko, députée du Parlement de l’Ukraine, et d’autres Ukrainiens ont été condamnés et emprisonnés illégalement en Russie, en violation des normes internationales et des principes de justice fondamentale;
que la Loi sur les mesures économiques spéciales autorise le gouvernement du Canada à prendre des mesures économiques contre un État étranger ou un ressortissant étranger afin de mettre en œuvre une décision, une résolution ou une recommandation d’une organisation internationale d’États ou d’une association d’États, ou lorsqu’il estime qu’une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales est susceptible d’entraîner ou a entraîné une grave crise internationale;
que l’ajout des violations graves aux droits de la personne reconnus à l’échelle internationale aux motifs justifiant l’imposition de sanctions contre un État étranger ou contre un ressortissant étranger réitérerait le soutien du Canada envers le respect des droits de la personne et renforcerait son obligation de protéger les militants des droits de la personne;
qu’il est important de reconnaître et de se rappeler le sacrifice de Sergueï Magnitski, ainsi que le sacrifice d’autres victimes de graves violations des droits de la personne reconnus à l’échelle internationale;
qu’il faut que tous ceux qui violent les droits de la personne reconnus à l’échelle internationale soient traités et sanctionnés de façon égale partout dans le monde,
Sa Majesté, sur l’avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte :
Titre abrégé
Note marginale :Titre abrégé
1 Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski).
Définitions et interprétation
Note marginale :Définitions
2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
- agent public étranger
agent public étranger S’entend au sens de l’article 2 de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers. (foreign public official)
- bien
bien Bien de toute nature, meuble ou immeuble, réel ou personnel, corporel ou incorporel, tangible ou intangible, notamment de l’argent, des fonds, de la monnaie, des actifs numériques et de la monnaie virtuelle. (property)
- Canadien
Canadien Citoyen au sens de la Loi sur la citoyenneté ou toute personne morale constituée ou prorogée sous le régime d’une loi fédérale ou provinciale. (Canadian)
- entité
entité Personne morale, fiducie, société de personnes, fonds, organisation ou association non dotée de la personnalité morale ainsi qu’un État étranger. (entity)
- État étranger
État étranger Pays autre que le Canada. Sont assimilés à un État étranger :
a) ses subdivisions politiques;
b) son gouvernement et ses ministères ou ceux de ses subdivisions politiques;
c) ses organismes ou ceux de ses subdivisions politiques. (foreign state)
- étranger
étranger Individu autre :
a) qu’un citoyen canadien;
b) qu’un résident permanent au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. (foreign national)
- ministre
ministre[Abrogée, 2022, ch. 10, art. 444]
- personne
personne Personne physique ou entité. (person)
- 2017, ch. 21, art. 2
- 2022, ch. 10, art. 444
Note marginale :Biens réputés appartenir à un étranger
2.01 (1) Si un étranger contrôle une entité autre qu’un État étranger, les biens appartenant à cette entité ou détenus ou contrôlés, même indirectement, par elle sont réputés appartenir à l’étranger.
Note marginale :Critères
(2) Pour l’application du paragraphe (1), l’étranger contrôle, même indirectement, l’entité dans le cas où l’un des critères suivants est rempli :
a) l’étranger détient, même indirectement, au moins cinquante pour cent des actions ou des titres de participation de l’entité, ou des droits de vote de celle-ci;
b) l’étranger peut, même indirectement, modifier la composition ou les pouvoirs du conseil d’administration de l’entité;
c) il est raisonnable, compte tenu des circonstances, de conclure que l’étranger peut, même indirectement et par tout moyen, diriger les activités de l’entité.
Ministre
Note marginale :Ministre
2.1 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le ministre des Affaires étrangères est chargé de l’exécution et du contrôle d’application de la présente loi.
Note marginale :Désignation
(2) Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner un ou plusieurs ministres pour assurer l’exécution et le contrôle d’application de telle disposition de la présente loi ou d’un règlement ou décret pris sous son régime.
Sa Majesté
Note marginale :Obligation de Sa Majesté
3 La présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada et des provinces.
Décrets et règlements
Note marginale :Décrets et règlements
4 (1) S’il juge que s’est produit l’un ou l’autre des faits prévus au paragraphe (2), le gouverneur en conseil peut :
a) prendre tout décret ou règlement qu’il estime nécessaire concernant la restriction ou l’interdiction, à l’égard d’un étranger, des activités énumérées au paragraphe (3);
b) par décret, faire saisir ou bloquer, de la façon prévue par le décret, tout bien qui se trouve au Canada et qui appartient à un étranger visé par un décret ou un règlement pris en vertu de l’alinéa (1)a) ou tout bien qui est détenu ou contrôlé, même indirectement, par lui.
Note marginale :Faits
(2) Sont visés au paragraphe (1) les faits suivants :
a) l’étranger est responsable ou complice de meurtres extrajudiciaires, de torture ou d’autres violations graves de droits de la personne reconnus à l’échelle internationale contre des personnes dans un État étranger qui tentent, selon le cas :
(i) de dénoncer des activités illégales commises par des agents publics étrangers,
(ii) d’obtenir, d’exercer, de défendre ou de promouvoir des droits de la personne et des libertés reconnus à l’échelle internationale, notamment la liberté de conscience, de religion, de pensée, de croyance, d’opinion, d’expression, de réunion pacifique et d’association et le droit à un procès équitable et à des élections démocratiques;
b) l’étranger, sur mandat ou au nom d’un État étranger, est impliqué dans une activité visée à l’alinéa a);
c) l’étranger qui est un agent public étranger ou une personne qui est associée à un tel agent est responsable ou complice d’avoir ordonné, supervisé ou dirigé d’une façon quelconque des actes de corruption — notamment le versement de pots-de-vin, le détournement de biens publics ou privés pour son propre bénéfice, le transfert de produits de la corruption à l’extérieur de l’État étranger ou tout acte de corruption en matière d’expropriation ou visant des marchés publics ou l’extraction de ressources naturelles — qui constituent, compte tenu notamment de leurs effets, de l’importance des sommes en jeu, du degré d’influence ou de la position d’autorité de l’étranger ou du fait que le gouvernement de l’État étranger en cause en est complice, des actes de corruption à grande échelle;
d) l’étranger a substantiellement appuyé ou parrainé une activité visée à l’alinéa c) ou y a activement participé en fournissant de l’aide financière ou matérielle, du soutien technologique ou des biens ou services.
Note marginale :Activités interdites
(3) Les activités qui peuvent être visées par le décret ou règlement pris en vertu de l’alinéa (1)a) sont les suivantes, qu’elles se déroulent au Canada ou à l’étranger :
a) toute opération effectuée, directement ou indirectement, par une personne se trouvant au Canada ou par un Canadien se trouvant à l’étranger portant sur un bien de l’étranger, indépendamment de la situation du bien;
b) le fait pour une personne se trouvant au Canada ou pour un Canadien se trouvant à l’étranger de conclure, directement ou indirectement, toute opération financière liée à une opération visée à l’alinéa a) ou d’en faciliter, directement ou indirectement, la conclusion;
c) la prestation par une personne se trouvant au Canada ou par un Canadien se trouvant à l’étranger de services, notamment de services financiers, à l’étranger, pour le bénéfice de celui-ci ou en exécution d’une directive ou d’un ordre qu’il a donné;
d) l’acquisition par une personne se trouvant au Canada ou par un Canadien se trouvant à l’étranger de services, notamment de services financiers, pour le bénéfice de l’étranger ou en exécution d’une directive ou d’un ordre qu’il a donné;
e) le fait pour une personne se trouvant au Canada ou pour un Canadien se trouvant à l’étranger de rendre disponible des biens, où qu’ils soient, à l’étranger ou à une personne agissant pour son compte.
Note marginale :Exemptions
(4) Le gouverneur en conseil peut, par décret, conférer au ministre le pouvoir :
a) de délivrer à une personne se trouvant au Canada ou à un Canadien se trouvant à l’étranger un permis l’autorisant à mener une opération ou une activité, ou une catégorie d’opérations ou d’activités, qui fait l’objet d’une interdiction ou d’une restriction au titre de la présente loi ou d’un décret ou règlement pris en vertu de celle-ci;
b) de délivrer un permis d’application générale autorisant toute personne se trouvant au Canada ou tout Canadien se trouvant à l’étranger à mener une opération ou une activité, ou une catégorie d’opérations ou d’activités, qui fait l’objet d’une interdiction ou d’une restriction au titre de la présente loi ou d’un décret ou règlement pris en vertu de celle-ci.
Note marginale :Permis
(5) Le ministre peut délivrer un permis ou un permis d’application générale sous réserve des modalités qu’il estime compatibles avec la présente loi et les décrets et règlements pris en vertu de celle-ci.
Note marginale :Annulation, etc.
(6) Le ministre peut modifier, annuler, suspendre ou rétablir un permis visé au présent article.
- 2017, ch. 21, art. 4
- 2022, ch. 10, art. 446
- 2023, ch. 26, art. 262
Ordonnances de confiscation
Note marginale :Définitions
4.1 Les définitions qui suivent s’appliquent aux articles 4.2 à 4.4.
- juge
juge Juge de la cour supérieure de la province où se trouve le bien visé par le décret pris en vertu de l’alinéa 4(1)b). (judge)
- ministre
ministre Le ministre chargé, au titre de l’article 2.1, d’assurer l’exécution du décret pris en vertu de l’alinéa 4(1)b). (Minister)
Note marginale :Confiscation
4.2 (1) Sur demande du ministre, le juge ordonne la confiscation du bien faisant l’objet de la demande au profit de Sa Majesté du chef du Canada s’il conclut, à partir de la preuve déposée devant lui, que les conditions suivantes sont réunies :
a) le bien est visé par le décret pris en vertu de l’alinéa 4(1)b);
b) il appartient à l’étranger visé par ce décret ou est détenu ou contrôlé, même indirectement, par lui.
Note marginale :Avis
(2) Avant de rendre l’ordonnance à l’égard du bien, le tribunal exige qu’un avis soit donné aux personnes qui, selon lui, semblent avoir un droit ou un intérêt sur le bien; il peut aussi les entendre.
Note marginale :Modalités
(3) L’avis satisfait aux exigences suivantes :
a) il est donné selon les modalités précisées par le tribunal ou prévues par les règles de celui-ci;
b) il précise le délai que le tribunal estime raisonnable ou que fixent les règles de celui-ci dans lequel toute personne peut, avant que l’ordonnance ne soit rendue, présenter une demande alléguant un droit ou un intérêt sur le bien;
c) il comporte une description du bien.
Note marginale :Demandes des tiers intéressés
(4) Toute personne qui prétend avoir un droit ou un intérêt sur un bien confisqué au profit de Sa Majesté au titre du paragraphe (1) — à l’exception d’un étranger visé à l’un des alinéas 4(2)a) à d) — peut, dans les trente jours suivant la date de la confiscation, demander par écrit à un juge de rendre en sa faveur une ordonnance portant que son droit ou son intérêt n’est pas modifié par la confiscation, déclarant la nature et l’étendue de ce droit ou de cet intérêt et exigeant du ministre qu’il verse à la personne une somme égale à la valeur de son droit ou de son intérêt.
Note marginale :Pas une société d’État
4.3 Si le bien visé par l’ordonnance de confiscation consiste en la totalité des actions d’une personne morale, celle-ci est réputée ne pas être une société d’État au sens du paragraphe 83(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques.
Note marginale :Prélèvement sur le compte des biens saisis
4.4 Après consultation du ministre des Finances et du ministre des Affaires étrangères, le ministre peut, selon les conditions et modalités — de temps et autres — qu’il estime indiquées, prélever sur le compte des biens saisis, au sens de l’article 2 de la Loi sur l’administration des biens saisis, une somme égale ou inférieure au produit net de la disposition du bien confisqué au titre de l’article 4.2, mais uniquement si elle est destinée à indemniser les victimes des faits visés au paragraphe 4(2).
Dépôt devant le Parlement
Note marginale :Décret ou règlement
5 Une copie de tout décret ou règlement pris en vertu de l’alinéa 4(1)a) est déposée devant chaque chambre du Parlement dans les quinze jours suivant sa prise et communiquée au greffier de cette chambre dans le cas où celle-ci ne siège pas.
- 2017, ch. 21, art. 5
- 2022, ch. 10, art. 447
Obligation de vérification
Note marginale :Vérification
6 Il incombe aux entités ci-après de vérifier de façon continue si elles ont en leur possession ou sous leur contrôle des biens qui, à leur connaissance, sont des biens d’un étranger visé par un décret ou règlement pris en vertu de l’article 4 :
a) les banques étrangères autorisées, au sens de l’article 2 de la Loi sur les banques, dans le cadre des activités qu’elles exercent au Canada, et les banques régies par cette loi;
b) les coopératives de crédit, caisses d’épargne et de crédit et caisses populaires régies par une loi provinciale et les associations régies par la Loi sur les associations coopératives de crédit;
c) les sociétés étrangères, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les sociétés d’assurances, dans le cadre des activités d’assurance qu’elles exercent au Canada;
d) les sociétés, les sociétés provinciales et les sociétés de secours, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les sociétés d’assurances;
e) les sociétés de secours mutuel régies par une loi provinciale, dans le cadre de leurs activités d’assurance, et les sociétés d’assurances et autres entités régies par une loi provinciale qui exercent le commerce de l’assurance;
f) les sociétés régies par la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt;
g) les sociétés de fiducie régies par une loi provinciale;
h) les sociétés de prêt régies par une loi provinciale;
i) les entités qui se livrent à une activité visée à l’alinéa 5h) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, si l’activité comporte l’ouverture d’un compte pour un client;
j) les entités autorisées en vertu de la législation provinciale à se livrer au commerce des valeurs mobilières ou à la fourniture de services de gestion de portefeuille ou de conseils en placement;
k) toute autre entité faisant partie d’une catégorie d’entités réglementaire.
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