Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis (L.C. 2019, ch. 24)
Texte complet :
Sanctionnée le 2019-06-21
Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis
L.C. 2019, ch. 24
Sanctionnée 2019-06-21
Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis
SOMMAIRE
Le texte affirme les droits et la compétence des peuples autochtones en matière de services à l’enfance et à la famille et énonce des principes applicables, à l’échelle nationale, à la fourniture de tels services à l’égard des enfants autochtones, notamment l’intérêt de l’enfant, la continuité culturelle et l’égalité réelle.
Préambule
Attendu :
que le gouvernement du Canada s’est engagé à mettre en oeuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones;
que le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale;
que le Parlement reconnaît les séquelles découlant des pensionnats indiens ainsi que les torts, notamment les traumatismes intergénérationnels, causés aux peuples autochtones par les politiques et les pratiques coloniales;
que le Parlement reconnaît les bouleversements subis par les femmes et les filles autochtones en lien avec les systèmes de services à l’enfance et à la famille et l’importance de les aider à surmonter les désavantages historiques auxquels elles sont confrontées;
que le Parlement reconnaît l’importance de réunir avec leurs familles et leurs collectivités les enfants autochtones qui en ont été séparés dans le cadre de la fourniture de services à l’enfance et à la famille;
que la Commission de vérité et réconciliation du Canada a lancé des appels à l’action demandant aux gouvernements fédéral, provinciaux et autochtones de travailler ensemble pour le bien-être des enfants autochtones et demandant l’édiction de dispositions législatives fédérales qui établissent des normes nationales à cette fin;
que le Parlement affirme le droit à l’autodétermination des peuples autochtones, y compris le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale lequel comprend la compétence en matière de services à l’enfance et à la famille;
que le Parlement affirme la nécessité :
de respecter la diversité de tous les peuples autochtones, notamment en ce qui a trait à leurs lois, à leurs droits, à leurs traités, à leur histoire, à leur culture, à leur langue, à leurs coutumes et à leurs traditions,
de reconnaître la situation et les besoins propres aux aînés, aux parents, aux jeunes, aux enfants, aux femmes ou aux hommes autochtones, ainsi que ceux propres aux Autochtones ayant un handicap, de diverses identités de genre ou bispirituels,
de combler les besoins des enfants autochtones et d’aider à faire en sorte que les services qui sont fournis à leur égard ne comportent pas de lacune, et ce, qu’ils résident ou non dans une réserve,
de mettre fin à la surreprésentation des enfants autochtones dans les systèmes de services à l’enfance et à la famille,
d’édicter des dispositions législatives pour le bien des enfants autochtones, notamment ceux d’entre eux qui sont issus d’une première nation, qui sont des Inuits ou qui sont issus de la Nation métisse;
que le gouvernement du Canada s’est engagé :
à travailler en coopération et en partenariat avec les peuples autochtones afin de favoriser la dignité, le bien-être et le plein épanouissement des enfants et des jeunes autochtones, de leurs familles et de leurs collectivités et à respecter, à renforcer et à utiliser comme fondement les réalisations de ces peuples à cet égard,
à mener à bien la réconciliation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis grâce à des relations renouvelées de nation à nation, de gouvernement à gouvernement et entre les Inuits et la Couronne, qui reposent sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat,
à dialoguer avec les peuples autochtones et les gouvernements des provinces pour appuyer une réforme en profondeur des services à l’enfance et à la famille fournis à l’égard des enfants autochtones;
que le gouvernement du Canada reconnaît la demande constante d’obtention d’un financement des services à l’enfance et à la famille qui soit prévisible, stable, durable, fondé sur les besoins et conforme au principe de l’égalité réelle afin d’atteindre des résultats qui sont positifs à long terme pour les enfants, les familles et les collectivités autochtones,
Sa Majesté, sur l’avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte :
Définitions et interprétation
Note marginale :Définitions
1 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
- accord de coordination
accord de coordination L’accord visé au paragraphe 20(2). (coordination agreement)
- autochtone
autochtone S’agissant d’une personne, vise notamment celle issue d’une première nation, un Inuit ou un Métis. (Indigenous)
- corps dirigeant autochtone
corps dirigeant autochtone Conseil, gouvernement ou autre entité autorisé à agir pour le compte d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones titulaires de droits reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. (Indigenous governing body)
- famille
famille Vise notamment toute personne que l’enfant considère être un proche parent ou qui, conformément aux coutumes, aux traditions ou aux pratiques coutumières en matière d’adoption du groupe, de la collectivité ou du peuple autochtones dont l’enfant fait partie, est considérée par ce groupe, cette collectivité ou ce peuple être un proche parent de l’enfant. (family)
- fournisseur de soins
fournisseur de soins S’entend de toute personne qui a la responsabilité principale de fournir des soins quotidiens à un enfant autochtone, autre qu’un parent — mère ou père — de celui-ci, notamment en conformité avec les coutumes ou les traditions du groupe, de la collectivité ou du peuple autochtones dont l’enfant fait partie. (care provider)
- ministre
ministre Le ministre désigné en vertu de l’article 6. (Minister)
- peuples autochtones
peuples autochtones S’entend au sens de peuples autochtones du Canada, au paragraphe 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982. (Indigenous peoples)
- services à l’enfance et à la famille
services à l’enfance et à la famille Services de soutien aux enfants et aux familles, notamment des services de prévention, d’intervention précoce et de protection des enfants. (child and family services)
Note marginale :Droits des peuples autochtones
2 La présente loi maintient les droits des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; elle n’y porte pas atteinte.
Note marginale :Conflit — accord existant
3 Les dispositions de tout accord — notamment d’un traité ou d’un accord sur l’autonomie gouvernementale — comprenant des dispositions relatives aux services à l’enfance et à la famille qui a été conclu avant la date d’entrée en vigueur du paragraphe 18(1) entre, d’une part, un groupe, une collectivité ou un peuple autochtones et, d’autre part, Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province l’emportent sur les dispositions incompatibles de la présente loi et de ses règlements.
Note marginale :Normes minimales
4 Il est entendu que la présente loi ne porte atteinte à l’application des dispositions d’aucune loi provinciale — ni d’aucun règlement pris en vertu d’une telle loi — dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la présente loi.
Note marginale :Loi sur le Nunavut
5 Sous réserve de l’article 4, la présente loi ne porte pas atteinte à la compétence législative de la Législature du Nunavut visée à l’article 23 de la Loi sur le Nunavut.
Désignation du ministre
Note marginale :Pouvoir du gouverneur en conseil
6 Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner le ministre fédéral visé par le terme « ministre » figurant dans la présente loi.
Sa Majesté
Note marginale :Obligation de Sa Majesté
7 La présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province.
Objet et principes
Note marginale :Objet
8 La présente loi a pour objet :
a) d’affirmer le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale lequel comprend la compétence en matière de services à l’enfance et à la famille;
b) d’énoncer des principes applicables à la fourniture de services à l’enfance et à la famille à l’égard des enfants autochtones, et ce, à l’échelle nationale;
c) de contribuer à la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Note marginale :Principe — intérêt de l’enfant
9 (1) La présente loi doit être interprétée et administrée en conformité avec le principe de l’intérêt de l’enfant.
Note marginale :Principe — continuité culturelle
(2) La présente loi doit être interprétée et administrée en conformité avec le principe de la continuité culturelle, et ce, selon les concepts voulant que :
a) la continuité culturelle est essentielle au bien-être des enfants, des familles et des groupes, collectivités ou peuples autochtones;
b) la transmission de la langue, de la culture, des pratiques, des coutumes, des traditions, des cérémonies et des connaissances des peuples autochtones fait partie intégrante de la continuité culturelle;
c) le fait que l’enfant réside avec des membres de sa famille et le fait de respecter la culture du groupe, de la collectivité ou du peuple autochtones dont il fait partie favorisent souvent l’intérêt de l’enfant;
d) les services à l’enfance et à la famille sont fournis à l’égard d’un enfant autochtone de manière à ne pas contribuer à l’assimilation du groupe, de la collectivité ou du peuple autochtones dont il fait partie ou à la destruction de la culture de ce groupe, de cette collectivité ou de ce peuple;
e) les caractéristiques et les défis propres à la région où se trouvent les enfants, les familles et les groupes, collectivités ou peuples autochtones doivent être pris en considération.
Note marginale :Principe — égalité réelle
(3) La présente loi doit être interprétée et administrée en conformité avec le principe de l’égalité réelle, et ce, selon les concepts voulant que :
a) les droits et les besoins particuliers d’un enfant handicapé doivent être pris en considération afin de favoriser sa participation — autant que celle des autres enfants — aux activités de sa famille ou du groupe, de la collectivité ou du peuple autochtones dont il fait partie;
b) tout enfant doit être en mesure d’exercer sans discrimination, notamment celle fondée sur le sexe et l’identité ou l’expression de genre, ses droits prévus par la présente loi, en particulier le droit de voir son point de vue et ses préférences être pris en considération dans les décisions le concernant;
c) tout membre de la famille d’un enfant doit être en mesure d’exercer sans discrimination, notamment celle fondée sur le sexe et l’identité ou l’expression de genre, ses droits prévus par la présente loi, en particulier le droit de voir son point de vue et ses préférences être pris en considération dans les décisions le concernant;
d) le corps dirigeant autochtone agissant pour le compte d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones dont un enfant fait partie doit être en mesure d’exercer sans discrimination les droits de ce groupe, de cette collectivité ou de ce peuple prévus par la présente loi, en particulier le droit de voir le point de vue et les préférences de ce groupe, de cette collectivité ou de ce peuple être pris en considération dans les décisions les concernant;
e) dans le but de promouvoir l’égalité réelle entre les enfants autochtones et les autres enfants, aucun conflit de compétence ne doit occasionner de lacune dans les services à l’enfance et à la famille fournis à l’égard des enfants autochtones.
Intérêt de l’enfant autochtone
Note marginale :Intérêt de l’enfant autochtone
10 (1) L’intérêt de l’enfant est une considération primordiale dans la prise de décisions ou de mesures dans le cadre de la fourniture de services à l’enfance et à la famille à l’égard d’un enfant autochtone et, s’agissant de décisions et de mesures relatives à la prise en charge de l’enfant, l’intérêt de celui-ci est la considération fondamentale.
Note marginale :Considération première
(2) Lorsqu’il est tenu compte des facteurs prévus au paragraphe (3), une attention particulière doit être accordée au bien-être et à la sécurité physiques, psychologiques et affectifs de l’enfant, ainsi qu’à l’importance pour lui d’avoir des rapports continus avec sa famille et le groupe, la collectivité ou le peuple autochtones dont il fait partie et de préserver ses liens avec sa culture.
Note marginale :Facteurs à considérer
(3) Pour déterminer l’intérêt de l’enfant autochtone, il doit être tenu compte de tout facteur lié à la situation de ce dernier, notamment :
a) son patrimoine et son éducation culturels, linguistiques, religieux et spirituels;
b) ses besoins, dont son besoin de stabilité, compte tenu de son âge et du stade de son développement;
c) la nature et la solidité de ses rapports avec son parent — mère ou père —, son fournisseur de soins et tout membre de sa famille ayant un rôle important dans sa vie;
d) l’importance pour lui de préserver son identité culturelle et ses liens avec la langue et le territoire du groupe, de la collectivité ou du peuple autochtones dont il fait partie;
e) son point de vue et ses préférences, compte tenu de son âge et de son degré de maturité, sauf s’ils ne peuvent être établis;
f) tout plan concernant ses soins, lequel peut comprendre des soins donnés conformément aux coutumes ou aux traditions du groupe, de la collectivité ou du peuple autochtones dont il fait partie;
g) la présence de violence familiale et ses effets sur l’enfant, notamment le fait que l’enfant y soit ou non directement ou indirectement exposé, ainsi que le tort physique, affectif ou psychologique causé à l’enfant ou le risque qu’un tel tort lui soit causé;
h) toute procédure judiciaire, ordonnance, condition ou mesure, de nature civile ou pénale, concernant sa sécurité ou son bien-être.
Note marginale :Compatibilité
(4) Les paragraphes (1) à (3) doivent, dans la mesure du possible, être interprétés à l’égard d’un enfant autochtone de manière compatible avec les dispositions du texte législatif du groupe, de la collectivité ou du peuple autochtone dont l’enfant fait partie.
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